Le concours des 10 mots et ses vertus pédagogiques

, par LEGRAND Monique, IA-IPR de Lettres

Le concours des 10 mots

La session 2011

La session 2011 de la Semaine de la langue française, organisée par la Délégation Générale à la Langue Française et aux Langues de France du Ministère de la Culture et de la Communication, avait pour thème : « Dis-moi dix mots qui nous relient ».

Dans ce cadre, et en partenariat avec le Ministère de la Culture et de la Communication ainsi que le Ministère de l’Alimentation, de l’Agriculture et de la Pêche, le Ministère de l’Education nationale a organisé, pour la cinquième année consécutive, un concours destiné aux classes des collèges, des lycées généraux et technologiques, des lycées professionnels et des lycées agricoles, y compris ceux qui relèvent de l’Agence pour l’Enseignement Français à l’Etranger (A.E.F.E.) et de la Mission Laïque Française (M.L.I.).

Les 10 mots

Le thème de ce concours met à l’honneur « Dix mots qui expriment la Solidarité » :

  • accueillant
  • agapes
  • avec
  • chœur
  • complice
  • cordée
  • fil
  • harmonieusement
  • main
  • réseauter.

Le projet

le concours invite à réaliser à partir de dix mots une production littéraire et artistique ancrée dans un réel travail sur la langue. Cette production doit être réalisée de manière collective, par des élèves d’une même classe. Il est une invitation à la liberté et à l’imagination par autant d’activités qui peuvent exercer et enrichir l’expression des élèves.

Ses vertus pédagogiques

Avec le temps, et plus encore cette année que l’an passé, six vertus principales se dessinent avec netteté pour faire la démonstration de l’efficacité pédagogique de cette action éducative.

1. La vertu libératrice de la contrainte

La première est une vertu qui peut sembler paradoxale dans la mesure où elle permet d’instaurer, grâce à un cadre contraint, un espace de créativité : en effet, tel qu’il est défini par le règlement, le projet révèle à quel point l’inventivité des élèves peut se déployer dès lors que leur imagination s’exerce à l’intérieur d’un cadre bien défini. Ecritures brèves ou longues, références à différents domaines artistiques – littéraire, musical, pictural, cinématographique -, recherches étymologiques, associations de mots, fictions narratives, poèmes, dossiers culturels…, autant de pistes explorées avec talent et imagination. Cette liberté sans risque fait partager aux élèves ainsi qu’à leurs professeurs, un espace de plaisir intellectuel et de rigueur. Cette vertu n’est pas la moindre, à l’heure où nous nous interrogeons sur les réponses à trouver pour mieux tenir compte de la diversité des élèves et ouvrir notre enseignement encore trop cloisonné.

2. La faculté à s’approprier la langue française dans toutes ses composantes

La deuxième vertu est le corollaire de la précédente : si la maîtrise de la langue française est au cœur des missions de l’Ecole de la République dans la mesure où savoir lire, écrire et parler le français conditionne l’accès à tous les domaines du savoir, il importe de se l’approprier dans toutes ses dimensions langagières, non seulement d’écriture, de lecture, mais aussi d’expression orale. Cette année, une attention particulière a été portée aux compétences phonologiques par plusieurs réalisations, notamment celle d’une classe de Sixième intitulée « La chaîne humaine » : ces élèves ont « mis en voix » avec talent un texte qu’ils ont eux-mêmes écrit et mis en images. A l’instar des langues vivantes, la capacité à s’exprimer à l’oral est une priorité dans l’apprentissage de la langue française : formuler clairement un propos, le développer en public, participer à un échange verbal sont des compétences clés pour permettre aux élèves de s’insérer dans la société et le monde qu’ils découvrent.

3. Sa vertu fédératrice

Le concours propose de réaliser une production littéraire et artistique à partir d’une réflexion sur le langage : il fonde en début d’année un projet commun grâce auquel on apprend à travailler ensemble – c’est la raison pour laquelle nous sommes attachés à ce qu’il soit la production d’une classe entière -. Au seuil d’une année nouvelle ou à l’entrée dans un nouveau cycle d’apprentissage, on apprend à se connaître, à partager ses compétences, à s’organiser autour d’un projet commun : on découvre le travail collaboratif, l’on y prend la mesure de sa propre responsabilité au service du travail du groupe.

L’opération a montré sa capacité à accueillir tous les élèves dans leur diversité, qu’elle soit culturelle ou cognitive. Le concours a été ouvert aux élèves de classes d’Accueil (CLA.) qui suivent les cours de Français Langue Seconde (F.L.S.) au sein des collèges ou des lycées quand ils y sont orientés par le C.A.S.N.A.V. (Centre Académique pour la Scolarisation des Nouveaux Arrivants et des enfants du Voyage).

Le prix Spécial du Jury a été attribué à une classe de CLA du collège René Cassin de Chanteloup–les-Vignes dans l’académie de Versailles » ; il s’agit d’un groupe cosmopolite, composé de 11 élèves originaires de 7 pays différents ( Angola, Brésil, Congo, Haïti, Portugal, Sénégal, et Slovénie), âgés de 12 à 16 ans, de niveau scolaire très différent (certains étaient non lecteurs à leur arrivée au collège) ; l’intitulé de leur production « Agapes lexicales » laisse penser – et la lecture le confirme – qu’ils ont retrouvé la sagesse des Anciens, qui nommaient du même mot sapere, le discernement de l’esprit et celui du palais…

4. La dimension co-disciplinaire et transversale

A tous les niveaux des deux cycles de l’enseignement secondaire, le concours s’inscrit dans le cadre fixé par la loi d’orientation et de programme pour l’avenir de l’école du 23 avril 2005 qui instaure un travail co-disciplinaire et transversal si bénéfique pour de jeunes intelligences, et si formateur pour éviter la fragmentation des connaissances :

  • Au collège, sa logique correspond à la philosophie du Socle commun de connaissances et de compétences par sa capacité à mettre en résonance ses différentes compétences, au nombre desquelles la culture humaniste, l’esprit d’initiative, la dimension citoyenne et la maîtrise des nouvelles technologies ont été largement à l’honneur. Ce concours a toute sa place, aux côtés d’autres actions, pour contribuer à former non seulement l’élève, mais aussi le citoyen et l’adulte responsable qu’il deviendra.
  • Au lycée, une telle réflexion sur le langage permet de nombreuses activités créatives qui s’inscrivent pleinement non seulement dans l’Enseignement d’Exploration « Littérature et société » - et le thème de cette année s’y adapte parfaitement -, mais aussi dans ce « nouveau temps pédagogique » de l’Accompagnement Personnalisé : dans l’un et l’autre cas, un travail sur le lexique permet d’aborder des concepts susceptibles d’enrichir en profondeur la connaissance du vocabulaire, comme celui de « patrimoine immatériel », d’analyse diachronique ou de mises en réseaux entre les disciplines, ou entre les langues - comme l’ont proposé les élèves d’une classe en Espagne -.

5. Sa force d’innovation liée au développement du numérique

L’année 2010 avait été marquée par l’essor du numérique : la session 2011 confirme la maîtrise des Techniques Usuelles de l’Information et de la Communication qui favorise l’innovation. « S’approprier l’environnement informatique de travail », « mettre ses compétences informatiques au service d’une production collective en restant attentif au respect des droits de chaque participant », « prévoir la présentation d’un document en fonction de sa destination », « chercher et sélectionner l’information demandée », « écrire, envoyer, diffuser, publier », sont autant d’items, parmi d’autres, que la participation au concours permet de valider et dont la validation révèle de nouvelles pratiques

Et l’on a pu observer combien, pour les apprentissages, l’amélioration des compétences orales est désormais indissociable du recours au numérique.

6. Son rayonnement à l’étranger

Cette année nous avons eu la surprise et la joie de recevoir un certain nombre de productions envoyées par des lycées étrangers. Nous apprécions à sa juste valeur cette participation inattendue et nous nous devions d’accueillir et reconnaître des réalisations qui témoignent de l’attractivité de la langue française et de son rayonnement dans le monde. Il nous incombe d’accueillir et d’accompagner ces propositions de façon que la langue française continue de faire connaître les valeurs et la culture qui la portent.

A l’heure où nous devons faire preuve d’inventivité et d’innovation pour dispenser un enseignement capable de ne pas exclure parce qu’il sait répondre aux besoins de nos collégiens et lycéens, à un moment où il importe de promouvoir un enseignement qui sache développer des compétences pluridisciplinaires pour former les élèves à affronter les défis de l’avenir, ce concours est devenu pour les professeurs un levier efficace pour faire évoluer les pratiques pédagogiques.

Monique LEGRAND, IA-IPR Lettres

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