Logiciel « J’ai vécu au XVIIIème siècle »

, par BERTAGNA Chantal, CELIK Sylvie, professeur d’Histoire au collège Verhaeren à Saint-Cloud

Expérimentation en classe de 4eme

Le recours au logiciel « J’ai vécu au XVIIIème siècle », diffusé par le CNDP a donné lieu depuis 1995 à un travail interdisciplinaire associant professeurs d’Histoire et de Français au Collège Verhaeren à Saint-Cloud dans les Hauts-de-Seine. Cette expérience qui a anticipé sur le rapprochement de ces deux disciplines voulu par les nouveaux programmes montre tout l’intérêt qu’il peut y avoir pour les élèves - et leurs professeurs - à briser les frontières disciplinaires.

I - LES OBJECTIFS

En premier lieu, il s’agit d’amener les élèves à faire une plongée dans l’Histoire en s’identifiant à un personnage du Siècle des Lumières.

Le deuxième intérêt réside dans la démarche interdisciplinaire : le but est de faire comprendre, d’une part, l’intérêt de lire des textes pour acquérir une culture historique et, d’autre part, la nécessité de se poser des questions culturelles pour écrire en évitant les anachronismes.

Pour le professeur de lettres, l’objectif fondamental ici est de développer le goût de l’écriture et de rendre les élèves conscients de la nécessité et des bienfaits de la réécriture. Le support informatique (base de données puis traitement de texte) favorise l’activité d’écriture longue. Cette démarche suscite l’intérêt des élèves (« On a l’impression d’écrire un mini-roman » « On écrit une vraie histoire, pas une rédaction »). Elle leur donne envie d’écrire. Elle permet donc d’obtenir un véritable travail de réécriture, une recherche du mot juste, une réflexion en nuances sur la structure du texte à produire, un réinvestissement des différentes techniques étudiées (récit, description, portrait, dialogue, etc.). L’objectif d’allier plaisir d’écrire et exigences de l’écriture a été atteint chaque fois depuis quatre ans que l’expérience est menée.

II - LE DÉROULEMENT

Le collège dispose d’une salle informatique avec quinze postes. Le travail se fait donc par groupes de deux. Le travail, commencé en février se déroule, avec des pauses, jusqu’à la fin juin.

A - Première étape

Sous la direction du professeur d’Histoire, les élèves choisissent un personnage parmi la trentaine de catégories sociales telles que duchesse, officier de marine, esclave loir, curé ou maître-artisan protestant. Au cours des séances successives (prévoir au minimum six heures), les élèves consultent des documents d’époque ou sur le XVIIIème, de nature variée, qui peuvent être littéraires (le nègre de Candide), historiques (correspondances, baux, actes notariés, documents d’archives très divers), socio-économiques (tableaux de données chiffrées). Cette consultation s’organise autour de thèmes : avoir un rang social, se loger, payer ses impôts, penser et croire... Cette recherche est mémorisé, tirées sur imprimante et prend la forme d’un récit à la première personne, au présent de narration, avec des formules stéréotypées, entrecoupé des extraits des documents sélectionnés.

Ce travail est évalué par le professeur d’Histoire. Il est éventuellement repris pour ajouter ou supprimer des documents.

B - Deuxième étape

Le travail est repris en cours de français. cette fois, on travaille en traitement de texte après avoir récupéré le fichier produit sous « J’ai vécu au XVIIIème ». Il faut compter cinq à douze heures de travail selon l’ampleur que l’on veut donner à l’entreprise. Il convient au préalable d’avoir étudié, en lecture, des textes qui serviront de modèle et de référence.

A titre d’exemple, selon les années, ces lectures ont porté sur des lettres de Madame de Sévigné, des portraits de La Bruyère, un conte de Voltaire (L’Ingénu ou Jeannot et Colin). Les travaux demandés ont été : le portrait du personnage, le récit d’une journée ordinaire, la description de son logement, une lettre écrite par lui ou à lui adressée, un début de roman ou un extrait de journal intime.

Au cours des différentes expériences, s’est manifesté le désir des élèves de croiser les destinées de leurs personnages. De là est née l’idée du projet actuel : écrire un conte philosophique à la manière de Jeannot et Colin. Les objectifs clairement explicités sont de respecter le schéma narratif, de ponctuer le récit de commentaires ironiques du narrateur, de créer une rencontre du personnage avec un autre personnage créé par un autre groupe, afin de souligner la confrontation entre deux milieux sociaux différents.

Le travail est évalué à différentes étapes : ainsi, pour le pastiche de Jeannot et Colin, le professeur de lettres a évalué la rédaction de la situation initiale et de l’élément perturbateur, avant que soit engagée l’écriture des péripéties. Pour renforcer l’interdisciplinarité et la conscience historique des élèves, les textes ont été soumis au professeur d’Histoire qui a souligné les anachronismes qui subsistaient et a donné des pistes de correction.

A la fin, les travaux des différents groupes sont reliés en une brochure polycopiée, distribuée à chacun, avec un exemplaire pour le CDI et un autre remis au Principal. Le prestige du document imprimé, du « livre de la classe » comme l’ont nommé certains élèves, n’est pas étranger à l’enthousiasme suscité dans toutes les classes par ce travail et au sérieux avec lequel il est mené.

CONCLUSION

Pour conclure, nous voudrions formuler ces quelques remarques : au bénéfice évident qu’en ont tiré les élèves s’est ajouté un enrichissement progressif pour les enseignants. La concertation s’est approfondie, a amené à un travail de plus longue haleine, alliant des sorties culturelles communes dans le Paris de l’Ancien Régime à des échanges de textes à étudier dans l’un ou l’autre cours, voire dans les deux sous des angles différents. Ce projet annoncé à la classe dès la rentrée a sous-tendu le travail d’une grande partie de l’année. En effet, pour s’imprégner peu à peu de cette atmosphère d’avant 1789, pour comprendre l’évolution des mentalités au cours des XVIIème et XVIIIème siècles, pour percevoir en profondeur le lien étroit entre l’écriture et le milieu dépeint, le regard de l’auteur sur son époque ou celle qu’il évoque, les élèves ont eu à lire et étudier des oeuvres regroupées sous le thème de l’écrivain, reflet de son temps. Cela a permis l’étude successive des Précieuses ridicules, de lettres de Madame de Sévigné, de portraits de La Bruyère, d’un recueil de fables de La Fontaine, de Jeannot et Colin, d’extraits des Lettres Persanes (auxquels se sont ajoutés un certain nombre de romans pour la jeunesse consacrés à ces périodes) sans que s’émousse l’intérêt des élèves. Bien au contraire, leur sens critique, leur aisance et leur plaisir à lire ces textes, à les mettre en relation n’ont fait que s’accroître au fil des semaines. La classe exprime elle-même sa surprise et sa satisfaction d’avoir acquis une culture littéraire et historique qu’elle a le sentiment de maîtriser. Ce plaisir est partagé par leur professeur quand il voit tel ou tel chercher dans les textes étudiés l’expression, la phrase ou le passage qui confèrera à son récit la qualité, la vraisemblance et la coloration historique recherchées.

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