Présentation de la rubrique

, par VIGNER Gérard, IA-IPR

Quelques constats. Au collège et au lycée, les élèves sont amenés à fréquenter un nombre très important d’oeuvres, dans des formes et des genres très variés. Ainsi, la littérature pour la jeunesse, dans la diversité de ses collections, trouve sa place au côté des oeuvres de référence, le spectacle vivant et le cinéma au côté des oeuvres écrites. De même, les littératures de l’Antiquité et les littératures contemporaines, les littératures étrangères et les littératures de langue française.

Aucune forme d’écriture et de langage (scénographique, cinématographique, iconique) n’est désormais exclue, ce qui a pour effet d’élargir le champ d’expérience de lecture des élèves. Face à une telle diversité, la recherche d’invariants s’impose cependant, si l’on souhaite que la lecture ne se constitue pas en une succession d’explorations discontinues d’oeuvres hétérogènes. Aucun cumul d’expérience de lecture n’est alors possible, aucun transfert de compétence en terme de savoir-lire n’est envisageable.

Une des réponses les plus fréquemment adoptées, et elle est parfaitement légitime, consiste à inscrire chacune des oeuvres ainsi découverte dans des cadres communs d’analyse : aspects génériques, schémas narratifs, chronologie et logique des actions, place des notations descriptives, aspects énonciatifs, etc. L’élève acquiert de la sorte un savoir-lire qui ne se limite pas à la lecture d’un genre (le roman d’aventures ou le roman policier, par exemple), mais qui peut être rénvesti sur toute oeuvre, quels que soient les schémas d’écriture dans lesquelles elle prend place.

De telles approches ont cependant pour résultat de privilégier le réseau des formes au détriment de celui des contenus, conduisant de la sorte à considérer l’ancrage thématique et référentiel de l’oeuvre comme une variable secondaire dans la caractérisation de l’oeuvre.

Or, on est en droit de penser que les difficultés de lecture rencontrées par un certain nombre d’élèves ne sont pas uniquement liées à une insuffisante maîtrise des modes d’accès à la dimension formelle des oeuvres, mais peuvent tout aussi bien dépendre de l’incapacité dans laquelle ils sont de donner sens aux mondes que les oeuvres donnent à voir.

En effet, une oeuvre, un texte, ne disent pas tout et un bon lecteur est celui qui est capable de rétablir l’information implicite par des activités d’inférence. Mais pour mettre en oeuvre ces capacités, encore faut-il disposer des connaissances nécessaires qui correspondent à la logique des mondes représentés. Ainsi, les guerriers de l’Antiquité, les chevaliers du Moyen-Age, les soldats de la guerre de 1914-18 (personnages que l’on peut rencontrer à différents moments de la scolarité du collège) évoluent dans des univers où les notions de devoir, d’honneur, de sacrifice, ne sont pas identiquement organisées. Or l’intelligibilité des conduites dépend de ces savoirs sur le monde, quel que soit par ailleurs la logique narrative, l’éclairage esthétique dans lesquelles s’inscrit la représentation de ces conduites .

Quand les oeuvres lues ou vues appartiennent à une même aire culturelle, on peut faire l’hypothèse que les mondes qu’elles donnent à voir ne sont pas organisés aléatoirement. Les oeuvres puisent dans une mémoire collective constituée de figures, de lieux, d’histoires, de schémas d’action, de parcours passionnels, de manière de faire et d’être, de tout ce qui progressivement permet de construire un référent culturel partagé.

L’autre hypothèse que l’on peut avancer est que les oeuvres, quelles que soient leurs publics et leurs origines propres (littérature pour la jeunesse ou littérature consacrée, oeuvres contemporaines ou oeuvres d’autrefois), reprennent, recyclent des motifs déjà en circulation et leur reconnaissance par le lecteur en assure l’intelligibilité. Ces motifs sont figurés sous des travestissements divers. De la sorte, s’établissent des réseaux de sens qui constituent l’arrière-plan de lecture des oeuvres et en rendent l’accès moins malaisée.

Une base de données va ainsi être progressivement constituée autour de motifs qui, de façon récurrente, circulent dans les oeuvres qui peuvent être abordées au collège et au lycée. Il n’en existe pas de liste a priori, mais tous les travaux engagés sur l’imaginaire, on peut penser à ceux de Gilbert Durand par exemple, peuvent quelque part éclairer ce dispositif. Cette topique figurative, élaborée empiriquement, permettra de circuler dans les univers fictionnels les plus variés, comme dans les écritures de témoignage, de faire la différence entre un traitement stéréotypé et une approche plus originale des mondes et des êtres qui les animent, entre certains mythes originaires et les réécritures qui en procèdent.

Cette base sera organisée :
 en genres spécifiques
 en figures
 en lieux
 en objets
 en scénarios

Chacun des éléments de cette base comprendra :
 des références documentaires et bibliographiques (adresses de sites dédiés à ce domaine, listes d’ouvrages)
 des pistes de lecture possibles
 une liste des oeuvres susceptibles d’être abordées au collège et au lycée, une même oeuvre pouvant ainsi figurer dans plusieurs domaines.

Ces domaines seront par la suite repris, structurés, précisés dans leur organisation interne. Le premier motif retenu ici est celui des voyages et de la découverte de l’altérite dont la présence aux différents degrés de la scolarité de second degré explique qu’il ait été retenu en premier. Ensuite seront présentés des lieux : les jardins, Rome ; des êtres : les monstres, les animaux du bestiaire littéraire, etc.

Rappelons pour finir qu’il ne s’agit nullement de verser dans un quelconque thématisme et de rassembler des textes autour de thèmes ou de motifs spécifiques, mais à l’opposé, quand est proposée en classe la lecture d’une oeuvre, d’en examiner la matière thématiques. On veut ainsi associer l’approche des formes de l’écriture à celle des motifs qui la constitue, deux dimensions qui ne sauraient être dissociiées, même si la seconde a pendant longtemps été négligée.

par Gérard Vigner, IA-IPR

Partager

Imprimer cette page (impression du contenu de la page)