Lire les Métamorphoses d’Ovide en 6ème

, par BERTAGNA Chantal, BRISSEAU Virginie

Pourquoi étudier Les Métamorphoses ?

Pourquoi Les Métamorphoses d’Ovide figurent-elles parmi les textes fondateurs au programme, au même titre que la Bible, l’Odyssée ou L’Enéide ? On peut se poser la question dans la mesure où peu de gens dans le grand public ont lu cette œuvre. En revanche, nombreux sont ceux qui connaissent les métamorphoses de Narcisse, de Daphné, de Lycaon, d’Echo, l’enlèvement d’Europe ou celui de Ganymède, la pluie d’or sur Danaé, Jupiter métamorphosé en cygne pour séduire Léda... Bien plus, on parle d’un écho, d’un Pygmalion, de narcissisme.
De fait, si nous connaissons ces histoires qui font partie de notre tradition culturelle, c’est pour les avoir vues dans les musées et les châteaux européens, les avoir entendues sous forme d’opéras. Ce sont en effet les artistes, peintres, sculpteurs et musiciens, qui, inspirés par l’aspect spectaculaire des histoires d’Ovide, nous les ont transmises.

Présentation de l’auteur et de l’œuvre.

Le poète latin Ovide est né en 43 avant J.-C. à Rome et mort exilé en Dacie en 17 après J.-C..

Ses premières oeuvres.

Très en cour auprès de l’empereur Auguste, il est le poète des temps nouveaux instaurés par l’Empereur, ceux de la Paix Romaine après tant d’années de guerres civiles. Formé à la pure rhétorique classique comme tout bon jeune Romain, il se tourne vers l’élégie dès 15 av. J.C avec le recueil des Amours. Dans les Héroïdes, il s’intéresse déjà à la mythologie, en racontant sous formes de lettres fictives en vers les aventures des belles délaissées de la mythologie (Pénélope, Ariane...). Dans L’Art d’aimer, il donne des conseils théoriques aux jeunes gens en parodiant avec beaucoup d’humour les traités techniques de son temps.
On est au cœur de l’élégie érotique ; cet érotisme est très présent dans bien des récits des Métamorphoses si bien qu’ il est impossible d’aborder certains d’entre eux - ou les œuvres picturales qu’ils ont inspirées - avec des élèves de 6ème. Pour Ovide, le badinage est la règle.

Les Métamorphoses.

En l’an 1 ap. J.C., il entreprend Les Métamorphoses, recueil de poèmes organisé en quinze livres de huit cents vers environ chacun. Il y dresse une galerie des métamorphoses mythologiques de dieux ou d’humains en êtres ou objets divers, en végétaux et animaux, en fleuves ou autres éléments naturels.
Le choix de ce sujet s’explique de diverses manières. Il est sans doute lié à l’intérêt d’Ovide pour l’Art en tant que transformation - métamorphose - du réel. De là la virtuosité dont il fait montre pour donner à voir, mais aussi à entendre, voire à humer et toucher, ces métamorphoses. Comme il est dit dans le « Faire le point » du manuel, Ovide était un cinéaste avant l’heure.
Par ailleurs, ce choix relève aussi d’une approche philosophique ou symbolique : les métamorphoses font partie du mouvement de la vie, de la nature. La mythologie n’est pas seulement explorée pour fournir un catalogue d’histoires pittoresques : elle est envisagée comme une réflexion sur l’homme et la vie.
De ce fait, ces histoires de dieux ou déesses qui se transforment prennent de la consistance : Apollon n’est pas qu’un jeune homme en proie à un désir irrésistible qui le pousserait au viol de Daphné ; il est aussi un amoureux transi et éconduit qui vénère la bien-aimée. Athéna, qui, par jalousie, se montre à l’égard d’Arachné d’une cruauté bien typique de la mythologie gréco-latine, finit par être touchée d’une pitié plus humaine.
Après les poésies légères des premières années, Ovide adopte un souffle plus grandiose en choisissant comme vers l’hexamètre dactylique (l’équivalent de notre alexandrin) qui est le vers de l’épopée -c’est celui employé par Virgile dans L’Enéide. Autant la composition de l’Odyssée (cf. cours sur l’Odyssée) est intéressante à étudier avec des élèves même jeunes, autant celle des Métamorphoses défie toute approche pédagogique : pas de progression claire, une composition savante qui alterne grandes fresques et courts épisodes qui forment de vrais médaillons. On a le sentiment d’une mosaïque d’histoires. Il convient donc d’étudier chacune pour elle-même. Ce foisonnement difficile à organiser fait la richesse même de cette oeuvre et explique pourquoi elle a fasciné tant d’artistes.

L’exil.

Pour des raisons obscures, Ovide fut exilé par l’empereur Auguste en Dacie (actuelle Roumanie), où il mourut sans avoir revu Rome. Il y écrivit deux recueils, Les Tristes et Les Pontiques où il dit toute sa nostalgie et tout son mal de vivre.... On est loin de l’Art pour l’Art déployé dans Les Métamorphoses ; le ton se fait personnel, plaintif, douloureux, humain.

Ovide face à la postérité.

Au Moyen Âge, l’engouement à l’égard d’Ovide fut énorme, même si on a un peu moralisé certains récits. De cette époque date, par exemple, la tradition folklorique et littéraire de la figure du loup-garou, très clairement inspirée du récit de Lycaon.
La Renaissance et l’âge classique se sont imprégnés de la lecture des Métamorphoses comme en témoignent tant d’oeuvres d’art. À celles qui figurent dans le manuel, ajoutons-en quelques autres : L’enlèvement d’Europe par Rubens, Danaé par Le Corrège, Titien (plusieurs tableaux), Hubert Robert et Rembrandt, Pygmalion par Gustave Moreau, Narcisse par Poussin.
L’opéra s’est inspiré à son tour des récits d’Ovide : Jean-Philippe Rameau a écrit un Pygmalion, Gounod un Philémon et Baucis. Plus près de nous, nous devons à Dali, une Métamorphose de Narcisse et à Paul Devaux un Pygmalion.

Que raconte Ovide ?

Selon les récits, Ovide ne s’intéresse pas aux mêmes éléments de la métamorphose. On pourrait classer ainsi ces récits.

Les causes des métamorphoses.

En ce cas, le récit confine à la fable. Le récit de la métamorphose comporte une sorte de moralité. Les dieux récompensent les hommes - Philémon et Baucis pour leur hospitalité - ou les punissent : Jupiter punit la cruauté de Lycaon, les paysans lyciens sont transformés en grenouilles pour avoir refusé de l’eau à une déesse, Arachné est punie de sa vanité, Narcisse ou Echo pour s’être trop aimés eux-mêmes. Le récit de la métamorphose rétablit un certain ordre du monde. Pas étonnant donc que La Fontaine ait écrit une fable consacrée à Philémon et Baucis.

La métamorphose elle-même.

Dans ces textes-là, Ovide livre un tableau pittoresque de la transformation subie. Le vocabulaire des sensations est mobilisé. C’est cet aspect très sensoriel du recueil qui a séduit les artistes car il y a là matière à jouer sur les formes, les volumes, les couleurs, les sons, la matière.
Ainsi Pollaiolo et Le Bernin ont-ils donné la vision de Daphné en train de se métamorphoser, avec des bras dont les extrémités sont déjà végétales. De même, bien des représentations de Pygmalion montrent comment la statue inerte s’anime. La métamorphose de Lycaon a séduit les cinéastes qui ont mis en scène des loups-garous, que ce soit John Landis ou Mike Nicols dans Wolf, interprété par Jack Nicholson.

Les conséquences des métamorphoses.

Dans ces récits, Ovide donne parfois à voir le résultat spectaculaire avec l’expression de sentiments forts (l’effroi d’Europe). Là encore, ce sont des caractéristiques de nature à inspirer les peintres.
Ainsi, Rembrandt a accentué cet effroi en le faisant partager par les compagnes d’Europe, restées sur le rivage. D’autres histoires expliquent un phénomène naturel et rapprochent les textes d’Ovide des contes étiologiques : c’est le cas du mythe d’Arachné, de ceux de Daphné et de Narcisse.

Bibliographie

Pour avoir une rapide idée du succès de Daphné et de Philémon et Baucis auprès des peintres, voir ce site d‘établissement scolaire :

http://www.ac-nancy-metz.fr/enseign/lettres/LanguesAnciennes/Metamorphoses/entree.htm

Pour un recensement plus complet des œuvres d’art issues de la mythologie gréco-latine :
Dictionnaire culturel de la mythologie gréco-romaine, René Martin, Nathan, 1998
Héros et dieux de l’Antiquité, I. Aghion, C. Barbillon, F. Lissarague, Flammarion, 1994

Pour une approche philosophique des Métamorphoses d’Ovide, cette étude sur le site du CNDP :

http://www.artsculture.education.fr/presence_litterature/ovide/dossiers/recits/recits.asp

Pour une bibliothèque d‘images commentées issues des métamorphoses, le cédérom, Les métamorphoses d’Ovide, Cadmos éditions (recensé sur le site Educnet par le Ministère car portant la mention RIP - reconnu d’intérêt pédagogique-).

Comment organiser une séquence sur Les Métamorphoses ?

Il paraît motivant pour les élèves et intellectuellement intéressant de mettre en évidence l’influence d’Ovide sur l’Art européen et le rôle fondateur des Métamorphoses.

 Apollon et Daphné (Le Bernin, Antonio Pollaiolo 1432-1498) : partir de la sculpture du Bernin, qui ne pose pas de problème de compréhension, pour mieux entrer dans le texte ; puis revenir au tableau de Pollaiolo. Il existe aussi un tableau que Tiepolo a consacré à ce mythe (1755-1760 ; Washington, National Gallery). Tableau visible à cette adresse :

http://pedagogie.ac-aix-marseille.fr/etablis/lycees/valdedur/tpe_apollon/link3.html

 Arachné : le texte sera premier car le tableau d’Houssaye (château de Versailles), seul, sans connaissance mythologique ne fait pas sens. Il s’agit de faire comprendre que la fréquentation de certains textes a nourri des générations d’hommes et qu’elle est nécessaire pour décrypter notre univers culturel ; de fonder modestement la culture générale de l’élève et de lui donner des clés pour cette culture.

 L’enlèvement d’Europe (Rembrandt, Rubens, Serov) : le texte sera seulement lu pour connaître « l’histoire » afin de concentrer l’attention sur la part de créativité, d’interprétation, voire de réinterprétation d’un mythe par les artistes. On se concentre sur une lecture de l’image qui ne soit pas seulement un repérage des personnages qui figurent sur le tableau, ni une analyse esthétique (composition, couleurs...), mais aussi une compréhension des intentions des artistes en reprenant un mythe traditionnel.

 Lycaon (image de loups-garous au cinéma) : il s’agit cette fois de montrer que cette tradition culturelle qui a ses racines dans l’Antiquité parvient jusqu’à nous, dans une nouvelle forme artistique, mieux connue des élèves : le cinéma.

Parmi les récits intéressants et abordables en 5ème, citons encore : la métamorphose d’Atlas, celle de Cygnus, de Philémon et Baucis, Cyparissus ou encore Narcisse (tableau de Poussin).

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