Lire au lycée

, par Gaëlle Chauvineau

Cet article renvoie à des programmes qui ne sont plus d’actualité ; néanmoins, la démarche pédagogique évoquée conserve tout son intérêt.

réflexion proposée par Clémentine Muribia

Introduction

Dans le cadre du groupe de travail consacré à la lecture au collège et au lycée, nous avons décidé de réfléchir sur la façon dont les élèves lisent les oeuvres proposées, sur leur réception de ces oeuvres, sur l’engagement du profeseur au sein de sa classe.
J’ai , pour ma part, décidé de travailler à partir des réactions de mes élèves de première ES à la lecture du « Hussard sur le toit » de Jean Giono, oeuvre étudiée intégralement dans le cadre de l’objet d’étude Le roman et ses personnages.C’est une classe de 33 élèves, d’assez bon niveau,mais assez dispersée et peu concentrée.Je me propose d’observer le plus précisément possible le déroulement des premières séances consacrées à la découverte de l’oeuvre et la manière dont nous « interagissons ».

Les séances

Les élèves ont abordé cette oeuvre après un premier groupement de textes consacré à la rencontre amoureuse ( « Lancelot en prose », « La Princesse de Clèves », « Manon Lescaut », « Le Rouge et le Noir », « Aurélien ») et la lecture cursive de « Le Rouge et le Noir », qu’ils avaient trouvé déjà très long.
Nous avons tout d’abord échangé sur leur perception du livre. J’ai donc sollicité leurs réactions. Les premiers avis sont assez négatifs : « c’est long », « c’est ennuyeux », »trop de descriptions », « trop de dialogues », « c’est dégoûtant », « cet Angelo, quel prétentieux ! », « pourquoi Angelo et Pauline n’ont -ils pas de véritable relation amoureuse ? ».
La discussion est lancée après les deux dernières remarques.Certains élèves réagissent en disant qu’Angelo n’est justement pas si sûr de lui, mais tous déplorent l’inaboutissement de cet amour entre les deux protagonistes. Cela ne leur semble pas « logique ».La plupart, clairement, n’ont pas aimé le roman même si quelques avis divergents se font néanmoins entendre. Certains avouent à ce moment là qu’ils n’ont pas tout lu, se sont contentés parfois du film. J’espère les faire changer d’avis, ou tout au moins leur permettre d’évoluer.Pour cela je leur demande comme l’avait suggéré une collègue du groupe de travail de choisir leur passage préféré dans le le livre et de justifier leur choix.Ce travail se révèlera par la suite très profitable pour eux comme pour moi, tant par la diversité des passages choisis, que de ce qu’ils ont révélé des élèves eux-mêmes .Certains me diront plus tard que finalement ils ont bien aimé .le livre « malgré tout ! ».

A la fin du cours je leur demande quelles sont leurs attentes, en général,lorsqu’ils lisent un livre.Voici leurs réponses : « que ce soit court », « pas trop de descriptions »,il faut une vraie histoire d’amour », »de l’action », « pas trop de discours »...

En ce qui concerne les lectures analytiques j’ai décidé de travailler sur différentes facettes du personnage d’Angelo mais aussi sur ses relations avec les autres personnages, Pauline, sa mère , et sur la dimension symbolique de certains passages, comme les deux descriptions du grenier.
Nous commençons par une lecture de l’incipit et je suggère aux élèves de définir l’horizon d’attente, à partir du titre et de ce début. Ils se lancent dans diverses réponses comme ils ont l’habitude de le faire, sans hiérarchie ni classement. Nous opérons un tri plus tard. Ils relèvent le fait que c’est un début « in medias res », qu’on a un personnage nommé mais pas présenté, ils relèvent les caractéristiques du paysage et du climat, le sud, la chaleur. Le mystère du titre n’est pour l’instant pas levé.
A la séance suivante, nous entamons notre première lecture analytique : la découverte des cadavres au hameau des Omergues et le premier contact du héros avec ce qu’il ne sait pas encore être le choléra. Je lis le texte qui est assez long et leur propose de réagir . Ils peuvent là encore tout dire sur le texte, leurs impressions (« c’est dégoûtant ! », « c’est gai, , « il fait chaud), des remarques sur le point de vue (« Angelo se parle, on voit à travers son regard »), des remarques plus techniques (« c’est une description », « il y a des comparaisons, des métaphores »).L’élève qui avait trouvé Angelo prétentieux confirme son interprétation en relevant le mot « évidemment ».
Je reprends ensuite notre échange en leur demandant ce qu’ils ont trouvé d’intéressant dans ce passage. Les élèves insistent sur l’aspect « mystérieux » de cette découverte, sur son côté « macabre », une élève emploie le mot « synesthésie », cela lui rappelle « Aube » de Rimbaud que nous avons déjà étudié. Un autre propose un poème de Baudelaire « Correspondances ». Je leur parle aussi de « La Ballade des pendus » de Villon. Nous en venons à parler de la notion de réécriture et même du plagiat.L’échange visiblement les intéresse, nous évoquons aussi le thème de la rencontre amoureuse et les relations entre les divers textes de ce groupement.
Nous revenons à notre texte et un autre échange a lieu sur le côté « gore » du texte, que certains trouvent excessifs, les garçons ont dans l’ensemble plutôt apprécié, pas les fille. Un élève relève l’ambiguïté de la scène pour Angelo, qui peut croire qu’il s’agit d’un massacre, que c’est une scène de guerre.Nous posons le problème de ce que sait le personnage, ce que sait le lecteur, une fille dira : »c’est comme le personnage caché au théâtre ».

A la fin de la séance je leur demande de trouvrer des axes de lecture.Ils proposent « l’atmosphère », « la découverte des cadavres », « la description », « le personnage d’Angelo ».

Conclusion

En conclusion, j’ai pu remarquer la difficulté des élèves à rentrer dans la lecture d’oeuvres longues et difficiles mais aussi leur capacité à réagir quand on les y incite. J’ai observé les élèves tout au long des cours : les comportements sont très différents:certains notent tout, d’autres attendent que le temps passe, quelques uns s’investissent véritablement à l’oral..J’ai essayé en ce qui me concerne ,de partir , dans la mesure du possible ,de leurs constatations et de leurs impressions, souvent justes, pour nourrir notre échange, sans jugement de valeur, mais en essayant de nourrir leur réflexion et d’ouvrir leurs horizons. Il y a donc une part d’imprévu dans le cours même si je sais où je veux les emmener en définitive.Tous ne sont pas sensibles à cette démarche mais il me semble que solliciter leur regard sur le texte ne peut que leur être profitable et pas seulement dans la perspective de l’examen.

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